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Oratoires et petite chapelles

LES ORATOIRES ET PETITES CHAPELLES  DU THIMERAIS

Article paru dans le N°26 ( Septembre 1967) d"HISTOIRE LOCALE  BEAUCE et PERCHE" 

revue d'histoire locale autrefois publiée par la coopérative des élèves maîtres
de l'École Normale d'Instituteurs  d'Eure et Loir, 1 rue du 14 juillet à CHARTRES (28)

 
 
 
 

 

      Nous avons déjà signalé quelques oratoires ayant une signification particulière, les Mariettes en rapport étroit avec un point d'eau (1) Mais il en est d'autres, analogues à ceux que l'on rencontre dans la plupart des provinces de France. Ces petits édifices sont souvent curieux, toujours intéressants comme témoins du passé, et ce que Pierre Irigoin dit à propos des Oratoires de Provence peut se rapporter également à ceux de notre région : « qu'ils soient situés aux carrefours, dans les champs, sur les collines, au bord des chemins. les oratoires ont, pour la plupart, été érigés soit pour commémorer un fait saillant ou un vœu exaucé, soit pour marquer l'emplacement occupé jadis par une chapelle »(2) Chez nous, leur origine est généralement inconnue. L'aspect de ces petits monuments est assez varié. Du point de vue architectural, ce que nous avons noté pour les Mariettes leur convient entièrement ; nous n’en dirons rien de plus. Si l'on s'en tient à leurs dimensions, on hésite parfois à les considérer comme oratoire ou comme chapelle. Pour notre compte, nous avons adopté la définition suivante : il s'agit d'une chapelle lorsqu'on peut pénétrer de plein pied à l'intérieur; dans le cas contraire, c'est un oratoire. Les chapelles assez vastes pour que plusieurs personnes puissent y suivre un office restent en dehors de notre programme; certaines ont appartenu à une paroisse; d'autres étaient annexées à une résidence seigneuriale ou faisaient partie d’un établissement religieux (3). A l'heure actuelle, nos oratoires sont trop souvent délabrés, mal entretenus, vétustes, et on peut redouter leur disparition plus ou moins prochaine. Pour en garder le souvenir, nous allons signaler et décrire brièvement ceux que nous connaissons (4) en allant de l'Est à l'Ouest.

 

FONTAINE-LES-RIBOUTS

       Chapelle Saint-Jacques. Elle est située dans les bois de Fontaine, à 1 km environ au S-O du village. Il est impossible de la considérer Comme une merveille et on se demande même quel plan a pu guider le constructeur. La description en est facile : quatre murs en pierre peu élevés, dont la façade avec une porte en bois à claire-voie. Au dessus, une voûte asymétrique sert de toit. Au sommet de la façade, une petite croix. Cet édifice, peu ancien, a remplacé la chapelle primitive qui, d'après Merlet, a été détruite en 1745. Le texte rapporté par cet auteur nous apprend que, peu après « on éleva, sur la même place, une très petite grotte où restèrent les statues de la Sainte-Vierge et de Saint~Jacques » (5). Saint Jacques était invoqué contre les fièvres.

   CHATAINCOURT.

      Chapelle Saint-Jacques (détruite). E. Lefèvre (6) nous la présente comme une petite chapelle ou un «modeste oratoire » érigé, entre Chataincourt et Boutaincourt, à une date très ancienne puisque Louis VII le Jeune y vint en pèlerinage en 1155. Elle a été détruite pendant les guerres de religion, mais le lieudit porte toujours le nom de Saint-Jacques.

   BLÉVY

      1-Oratoire de Chennevière. Dans ce village, Situé au N.-O. de Blévy, il existait autrefois une chapelle dédiée à Saint-Gilles; on en voit les vestiges au bord de la route de Brezolles à l’extrémité septentrionale du hameau. Elle a été désaffectée à la Révolution, puis transformée en grange; un oratoire fut alors érigé sur la place. II est dédié également à Saint-Gilles (Lefèvre. Annuaire... 1849 (6)). Très simple, construit en pierres et briques, avec une porte assez grande sur la façade, couvert en petites tuiles, Cet édifice est curieusement doublé par une croix située à quelques mètres en arrière. 
      2-Oratoire Saint-Claude. Situé dans un faubourg de Blévy, il a une origine identique à celle du précédent. Il existait là une chapelle, d'ailleurs assez jolie, dédiée à saint Claude. Elle a été désaffectée et vendue au moment de la Révolution et, après, on construisit un oratoire. Il se trouve en bordure de la route de Laons, à quelques mètres en avant de la chapelle primitive. Moins élégant, plus trapu que celui de Chennevière, il est également fait de pierres et de briques, et couvert d'un petit toit à deux versants. Une porte à claire-voie tient la plus grande partie de la façade; la niche est occupée par une statue de Saint Claude. Là encore une croix a été dressée un peu en arrière et sur le côté.

   SAIN'I'-LUBIN-DES-JONCHERETS.

       Chapelle Saint-Santin (détruite). Dans son Dictionnaire Topographique, L. Merlet signale cette chapelle isolée « près de la Poterie..., détruite vers 1657 ». Elle est également indiquée sur la carte de Cassini, mais au N.-O. de Rornainvilliers.

    ACON

     Cette commune dépend du département de l’Eure mais, dans le passé, le territoire au sud de l'Avre faisait partie du Thimerais.

    Oratoire Notre-Dame-de-Pitie. Il est situé entre les villages de Heudez et des Brulés, à l'orée des bois. Il se dresse dans l'angle formé par la route qui réunit ces deux hameaux et par un chemin forestier se dirigeant vers le nord. Ce petit monument, très frustre, couronné par un toit à deux pans, a été construit en l822. Il a été fait de pierres, les angles et le tour de la niche étant seuls en briques. La cavité, plutôt exiguë, abrite une Pieta.

   REVERCOURT.

     Chapelle du Gué (détruite). C'était une petite chapelle isolée dont E Lefevre (annuaire... 1863) nous parle en ces termes : « On voit sur le versant de la colline les ruines d'une chapelle qui dépendait de l'abbaye de Saint-\7incent. Elle fut détruite au commencement de la Révolution de 89. On y venait alors en procession pour avoir de l'eau ».

Elle figure (ruinée) sur la carte de Cassini qui la situe sur le versant droit (Est) de la Meuvette.

   BREZOLLES.

     Oratoire Saint-Pierre. On peut le voir entre les villages de Sevard et de Fontaine. Il se trouve au carrefour de deux chemins très anciens:un chemin de terre qui, partant de Brezolles, devait conduire à Verneuil, et une route, partagée aujourd'hui en plusieurs tronçons, qui allait de Tillières à la Ferté-Vidame. Cet édifice tout en briques, n’a rien de très remarquable Sa porte occupe la plus grande partie de la façade et le toit en forme de pyramide à quatre faces, est surmonté d'une petite croix. A l'intérieur on découvre une statue archaïque, polychrome, représentant Saint Pierre avec une grosse clef dans sa main. Notons que, sur le chemin de Verneuil, il existe une croix a environ I 500 m de l'oratoire, tandis qu'en bordure de la route de la Ferté-Vidame on trouve I'oratoire de Magny et la chapelle Notre-Dame dont nous parlerons.

   LES CHATELETS.

      1- Oratoire de Magny. Situé à courte distance du village, au bord de la route de la Ferté-Vidame, il est dédié à Sainte Barbe. Cet édifice exigu, très simple, est du modèle habituel; fait de pierres et de briques, il est surmonté d'un petit toit à deux versants. La porte occupe la plus grande partie de la façade. D'après la tradition locale, il aurait été érigé, dans le passé, par un cultivateur de Magny désireux de protéger ses récoltes souvent détruites par des orages.

      2- Chapelle Saint-Pierre, aux Tuileries. Ce petit monument a été Construit en bordure du village, peut être sur une propriété privée. Tout en briques, assez élégant, muni d'une grande porte d'entrée mais à peine plus important qu'un oratoire, il ne date que de 1855. Nous ignorons s'il a remplacé un édifice plus ancien.

   LA MANCELlERE.

       Chapelle Notre-Dame. On la trouve au S-O du village, a une centaine de mètres de la route de la Ferté-Vidame, près d'un chemin allant vers le Bois-Carré et au bord d'un ruisseau généralement desséché. Doit on soupçonner une relation avec ce dernier? Ce petit monument, dédié à la Vierge a une grande ressemblance avec celui de Magny. La parcelle de terrain qui l'entoure est délimitée par un muret, ce qui se voit rarement.

   LA PUISAYE.

       1-Oratoire de la Vierge. Il s'élève au niveau du carrefour S.-O. du village et, comme la plupart des autres, il est fait de pierres et briques. Il parait cependant moins fruste, plus élégant. Une porte à claire-voie occupe la moitié de la façade et protège la niche et la statuette qui s'y trouve. Celle-ci représente la Vierge à la Grappe et semble avoir une vague analogie avec une oeuvre d'art du Louvre. D'après la tradition locale, elle aurait été sculptée dans un tronc de chêne par un artisan du village, en 1623.

      2-Oratoire de Sainte-Agathe. Celui-ci est situé au bord de la route des châtelets, à l'angle du chemin qui va à la Mulotière. Cette construction, encore du même type, assez ancienne, est heureusement encadrée par deux arbres très âgés La niche, protégée par une porte à claire-voie, occupe les trois quarts de la hauteur mais ne descend pas jusqu'au sol. A l'intérieur on trouve une statue en plâtre de Sainte Agathe, au bas de laquelle on voit la date 1761. Une inscription nous apprend que ce petit monument a été érigé en 1671. D'après de Boisvillette, sainte Agathe était invoquée dans différentes maladies, notamment pour les affections de l'estomac (7)

   BEAUCHE.

     1- Oratoire de la Vierge. Lorsqu'on vient de Brezolles, on le découvre à droite, au bord de la route, un peu avant l'entrée du village. Il diffère assez sensiblement du type habituel. Le monument est en pierres et la niche seule est entourée de briques; un bloc de maçonnerie tient lieu de toit. Une grille en fer protège la niche et son contenu. Il est dédié à Notre Dame. Si nous en croyons l'inscription gravée sur le fronton, il a été érigé en1828. Depuis 1946, il est orné par une jolie sculpture (bas relief), oeuvre du maître Verrière. La Vierge en occupe le centre et domine l'église de Beauche qui émerge des blés. Autour, des petits tableaux illustrent la vie rurale de chaque mois. Janvier : travail des bûcherons.- Févier : les crêpes de la Chandeleur. - Mars: les semailles Avril : le jardinage. - Mai : les troupeaux. - Juin : les foins. - Juillet : la moisson. - Août : la ferme. - Septembre : la chasse. - Octobre le semoir. - Novembre : le pressoir. - Décembre : les labours -Au dessous, Cette phrase : « Passant malgré toi le temps te pousse vers son éternité ».

     2-Oratoire de Saint-Sébastien. C'est certainement l'un des plus anciens et des plus humbles et malheureusement des plus vétustes de cette série. On le découvre au milieu de la plaine, à 700 mètres environ au sud de Mézian, au carrefour de deux vieux chemins. Peu élevé, très large en pierres jusqu'au sommet du toit, il se fait remarquer par l’encadrement de la niche tout en briques et en forme d'arc roman Cette niche, qui ne descend pas jusqu'au sol, n'abrite plus aucune image religieuse. Cet oratoire était dédié à Saint Sébastien mais la statuette a disparu depuis longtemps. Malgré cela, lorsque nous l'avons visité en 1952, un modeste bouquet de fleurs des champs était déposé soigneusement à l’endroit où le symbole aurait dû se trouver. Un bel exemple de la persistance des traditions.

     3-Oratoire de Sainte-Barbe. Celui-ci est situé au bord de la route de Verneuil, vers la limite des territoires de Beauche et de Rueil-la-Gadelière, sans qu'il nous soit possible de préciser sur quelle commune il se trouve. Construit en pierres et briques, avec une porte descendant jusqu~au sol, et un toit pyramidal, il présente la plus grande analogie avec l’oratoire de Saint-Pierre, commune de Brezolles.

   BOISSY-LES-PERCHE.

       Chapelle Notre-Dame. Ce petit édifice, sans grand intérêt archéologique mais assez joli, mérite vraiment le nom de chapelle. Malgré son fronton classique et sa porte à plein cintre, il ne paraît pas très ancien. Un muret en fait pratiquement le tour. Ce monument se montre au bord de la route de Verneuil à la Ferté-Vidame, à l'endroit ou débouche le chemin de Boissy à Morvilliers. II se trouve donc à courte distance du couvent de la Cour Pétral. A l'intérieur, on voit une statue moderne de la Vierge (Mater Dei).

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    Tels sont les oratoires et petites chapelles que nous connaissons dans cette région. Il en est probablement d'autres, notamment dans la partie méridionale du Thimerais. En comptant ceux que nous venons de signaler, au nombre de 17, et en y ajoutant les cinq Mariettes dont nous avons parlé précédemment, nous arrivons à un total de 22 oratoires connus. Ce chiffre est assez remarquable par lui-même puisque le territoire étudié ne représente même pas la moitié de l'arrondissement de Dreux. Il l'est encore plus si l'on considère les contrées voisines. Dans les cantons de Dreux et d'Anet, nous n'avons relevé aucun oratoire et ne pouvons signaler que la chapelle de Sainte-Geneviève, sur la commune de Rouvres. Dans le Mantois, la rareté de ces monuments est manifeste. Par contre, ils sont relativement nombreux dans le sud de l'Evrecin, aux abords de la vallée d'Avre. Il y a donc là une manifestation régionale très nette. Cependant sa cause nous échappe. Pour terminer, formulons un vœu, toujours le même: que les responsables, civils ou religieux, dont le rôle est de veiller sur ce témoins du passé, s'y intéressent sans plus tarder car, avant longtemps, il sera trop tard.

 

 

(1) Histoire Locale Beauce et Perche n°17. p.21

(2) P. IRIGOIN. Les Oratoires de Provence, p30.(M.-P.-IRIGOIN est le fondateur de la société " Les amis des Oratoires", dont le siège est à Aix-en-Provence.

(3) De même nous ne parlerons pas des statuettes diverses que l'on rencontre de place en place, et qui sont logées dans une niche aménagée dans un mur quelconque.

(4) Nos constatations datent le plus souvent de 1950 à 1955.

(5) MERLET, Archives civiles de l'arrondissement de Dreux, p.325. CHAPISEAU, Folklore de la Beauce et du Perche, A.I. p.66.

(6) E. LEFEVRE, Annuaire statistique .... d'Eure et Loir .

(7) DE BOISVILLETTE, Statistique archéologique d'Eure et Loir, p.93

 
 
 

  Page introduction

 
 

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