En 1920, après la guerre, mon père, René Boulet, me céda l'affaire. J'aimais beaucoup ce métier et j'aspirais à continuer d'améliorer la production tant en qualité qu'en quantité. Pendant quelques années, la marche fut satisfaisante, sans toutefois atteindre la prospérité des années 1912-13. Je fis même des projets de séchage artificiel et de fours semi-continus.
Survinrent alors de graves difficultés de main-d’œuvre spécialisée, difficultés qui existaient déjà pour mon père, mais qui devaient s'accroitre de plus en plus. Une nuit, je cuisais une fournée, personnellement aidé d'un seul manœuvre sur qui j'étais en droit de compter, or, au milieu de la nuit, l'un de mes ouvriers vînt lui " monter la tête " et le débaucher ; il abandonna son travail sans vergogne, me laissant en grande difficulté.
C'est ainsi qu'écœuré, je fus amené à abandonner le métier de mes pères.
J'émigrai, en 1925, à Lyon, pays de ma femme, bien résolu à gagner ma vie sans dépendre d'ouvriers indociles (J'avais quelques raisons d'être écœuré, car, dans le cadre de ma petite entreprise, j'avais cherché à améliorer le sort de mes ouvriers. Je puis me vanter d'avoir été un des premiers à Dreux, à les faire bénéficier d'allocations familiales, en m'affiliant à la caisse de Compensation à Chartres, alors que ce mode de rétribution était à peine né et n'avait rien d'obligatoire, à l'époque. En plus, j'avais inauguré un système de primes qui était comme une amorce de participation aux bénéfices)
Mon beau-frère, Henri Decrette, qui exploitait la ferme, tenta par la suite de relancer la fabrication des briques. Sur les indications de mon père, retiré à Dreux, il fit quelques fournées, puis renonça.
Cette fois, la briqueterie de Bonsecours était bien morte.
Je m'en voudrais de terminer cette plaquette familiale sans joindre, au nom de Bulet, celui de Lamiray, tant ces deux noms sont liés dans la fortune de la briqueterie de Bonsecours.
Père et fils : Auguste et Désiré furent des serviteurs fidèles comme on n'en voit plus. Certes. les temps sont révolus de ce que l'on a appelé le paternalisme qui n'était, au fond, que la bonne entente entre patrons honnêtes et ouvriers consciencieux. Aujourd'hui, la revendication des droits exclut à peu près totalement la soumission à des devoirs.
C'est pourquoi j'entends ici, moins célébrer la fidélité de subordonnés à ses supérieurs que la fidélité a un métier et porter haut l'amour du travail bien fait et la conscience professionnelle. C'est, pour moi, ce qu'ont représenté ces deux humbles ouvriers.
Domiciliés aux Fenots, ils ont à eux deux fait des briques et des tuiles à Bonsecours, pendant près de soixante-quinze ans :
Auguste Lamiray (1825–1905), tuilier tâcheron à Bonsecours de 1850 à 1901, médaille d'or du travail.
Désiray Lamiray (1856–1932), tuilier tâcheron à Bonsecours de 1868 à 1924, médaille d'or du travail.
On voit ainsi que Désiré Lamiray a connu six générations de Bulel :
Sans postérité masculine, Désiré Lamiray termine donc aussi une branche de la généalogie des Lamiray.