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Tuilerie 1Tuilerie 2BONSECOURS

Histoire locale par Joseph Lucien Bulet

À la Tuilerie, la nappe de limon argileux : fut exploitée par la famille BULET. Avant de s'installer aux Corvées en 1834, Taurin Bulel exerça son activité de briquetier en bordure de la rue Nicolas Robert où se retrouvent, sur le versant gauche de la vallée de la Blaise, quelques poches limoneuses. Celles-ci sont beaucoup plus limitées, enrichies en graviers et c’est peut être ce qui incita le maître briquetier à s'installer aux Corvées et à créer Bonsecours dans cette petite vallée sèche.        ·

Pendant 102 ans, cette tuilerie briqueterie fonctionna sous la direction de la famille Bulet. En 1966, Joseph Bulet écrivit l'historique de celle-ci et un membre de sa famille, Jacques Decrette, nous la communiquée et nous a autorisés à le reproduire

Il réussit, puisqu'après s'être marié à Clémente Gournas du Mesnil-sur-l’Estrée (Eure), il fonda le hameau de Bonsecours sur la commune de Dreux. Plus tard, par suite d'un remaniement du cadastre, Bonsecours passa sur la commune de Vernouillet (Eure et Loir).

Cet ancêtre avait la passion de créer car après avoir cédé Bonsecours à son fils Joseph Clément, il s’installa à un kilomètre de là au bord d'un petit chemin conduisant à Vernouillet, creusa un four, et fit des briques Jusqu'à sa mort.

Joseph Clément. mon grand-père, fit prospérer et agrandît considérablement Bonsecours, en terres principalement, (c'était important pour assurer la continuité de l'exploitation). Il fut, en même temps que tuilier, un rude cultivateur ; bien secondé par ma grand-mère. Infatigable travailleur, il avait. dès son jeune âge, choisi pour violon d’Ingres, la menuiserie et la charronnerie, travaux dans il pouvait rivaliser avec les professionnels.

  li fut maire de Vernouillet pendant plusieurs années. J'ai un très vague souvenir que lors d'une distribution de prix qu'il présidait, il me mit une couronne sur la tête, bien que je n'y eusse droit que par anticipation, n'allant pas encore à l'école.

Mon père René Joseph, continua l’exploitation et porta la briqueterie à son apogée en adoptant le progrès mécanique, autant que ses moyens le lui permirent Un Decauville et des Wagonnets par traction animal, amenaient la terre à la fosse de trempage, d'où un malaxeur et une meuleuse actionnés à la vapeur, transformaient l'argile en briques pleines ou creuses ou en tuiles.

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Durant les années d'avant-guerre (celle de 1914), on approchait du million de produit annuellement. Le « bâtiment » marchait fort à cette époque, la production était facilement absorbée par Dreux et sa région.

C'était un rude métier que celui de briquetier, je veux en donner lei une idée en retraçant une journée de travail au plus fort de la saison,

La Journée commençait à six heures du matin et finissait à sept heures du soir (à colle époque, on ne disait pas dix-neuf heures), avec, en tout et pour tout un quart d'heure le matin et autant l'après-midi pour « casser la croûte » ; le travail étant interrompu de midi à une heure pour le déjeuner. Ce qui donnait ; 11 heures et demie de travail effectif.

De six heures du matin à quatre heures du soir, on fabriquait. Trois ouvriers principaux participaient au « moulage ». En moyenne on faisait, dans cet espace de temps, 8000 briques pleines de 3 Kilos, chaque homme devait donc manier 24000 Kilos.

De quatre heures à sept heures du soir, ces trois ouvriers chargeaient, à la pelle, la terre nécessaire à la journée du lendemain : 8000 kilos chacun. Au total, c'étaient 32000 kilos qui passaient par les bras d'un ouvrier.

            Voyons pour d'autres : une journée employée à charger les briques dans les voitures : Deux ouvriers, l’un prenant au tas et donnant à l'autre qui rangeait dans la voiture. On en chargeait un mille soli 200 brassées de 5 en une demi-heure ; ce qui dormait à passer par les bras de chacun des ouvriers : 20000 x 3,5 kg ; 70000 kg dans la journée.

Le travail était : le plus souvent fait « à tâche », c'est à dire payé au mille de briques fabriquées ou manipulées. de serte qu'une telle journée rapportait à l’ouvrier entre quatre et six francs, de salaire net, payés en or eu en strict équivalent.

Le patron travaillait autant que ses ouvriers souvent même davantage, c'est à noter.

Les produits étaient cuits dans trois fours, deux au bois et un au charbon.

L'enfournement, la cuisson (elle comprenait une période préparatoire dite « enfumage » ou encore « petit feu » de cinq à six jours) et le défournement d'une fournée duraient de dix à quinze jours. La cuisson proprement dite (grand feu) se faisait sans désemparer jour et nuit pendant vingt-quatre heures durant lesquelles en brûlait des « bourrées » de 8 à 15 kg au nombre de 10 à 15 toutes les dix à quinze minutes. La température au centre du four pouvait atteindre 1000 à 1200 degrés, donnant la brique noire ou premier choix et sur le pourtour 600 à 700 degrés, donnant une brique de second choix.

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En 1920, après la guerre, mon père, René Boulet, me céda l'affaire. J'aimais beaucoup ce métier et j'aspirais à continuer d'améliorer la production tant en qualité qu'en quantité. Pendant quelques années, la marche fut satisfaisante, sans toutefois atteindre la prospérité des années 1912-13. Je fis même des projets de séchage artificiel et de fours semi-continus.

Survinrent alors de graves difficultés de main-d’œuvre spécialisée, difficultés qui existaient déjà pour mon père, mais qui devaient s'accroitre de plus en plus. Une nuit, je cuisais une fournée, personnellement aidé d'un seul manœuvre sur qui j'étais en droit de compter, or, au milieu de la nuit, l'un de mes ouvriers vînt lui " monter la tête " et le débaucher ; il abandonna son travail sans vergogne, me laissant en grande difficulté.

C'est ainsi qu'écœuré, je fus amené à abandonner le métier de mes pères.

J'émigrai, en 1925, à Lyon, pays de ma femme, bien résolu à gagner ma vie sans dépendre d'ouvriers indociles (J'avais quelques raisons d'être écœuré, car, dans le cadre de ma petite entreprise, j'avais cherché à améliorer le sort de mes ouvriers. Je puis me vanter d'avoir été un des premiers à Dreux, à les faire bénéficier d'allocations familiales, en m'affiliant à la caisse de Compensation à Chartres, alors que ce mode de rétribution était à peine né et n'avait rien d'obligatoire, à l'époque. En plus, j'avais inauguré un système de primes qui était comme une amorce de participation aux bénéfices)

Mon beau-frère, Henri Decrette, qui exploitait la ferme, tenta par la suite de relancer la fabrication des briques. Sur les indications de mon père, retiré à Dreux, il fit quelques fournées, puis renonça.

Cette fois, la briqueterie de Bonsecours était bien morte.

Je m'en voudrais de terminer cette plaquette familiale sans joindre, au nom de Bulet, celui de Lamiray, tant ces deux noms sont liés dans la fortune de la briqueterie de Bonsecours.

Père et fils : Auguste et Désiré furent des serviteurs fidèles comme on n'en voit plus. Certes. les temps sont révolus de ce que l'on a appelé le paternalisme qui n'était, au fond, que la bonne entente entre patrons honnêtes et ouvriers consciencieux. Aujourd'hui, la revendication des droits exclut à peu près totalement la soumission à des devoirs.

C'est pourquoi j'entends ici, moins célébrer la fidélité de subordonnés à ses supérieurs que la fidélité a un métier et porter haut l'amour du travail bien fait et la conscience professionnelle. C'est, pour moi, ce qu'ont représenté ces deux humbles ouvriers.

Domiciliés aux Fenots, ils ont à eux deux fait des briques et des tuiles à Bonsecours, pendant près de soixante-quinze ans :

Auguste Lamiray (1825–1905), tuilier tâcheron à Bonsecours de 1850 à 1901, médaille d'or du travail.

Désiray Lamiray (18561932), tuilier tâcheron à Bonsecours de 1868 à 1924, médaille d'or du travail.

On voit ainsi que Désiré Lamiray a connu six générations de Bulel :

Sans postérité masculine, Désiré Lamiray termine donc aussi une branche de la généalogie des Lamiray.

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