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Etymologie de Dreux

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Origine et Étymologie de DREUX

Bernard Hémery

    « Le pays des Durocasses[1], dont Durocassio (Dreux)[2] était la capitale, passait chez les anciens pour être le milieu de la Gaulle. Suivant plusieurs historiens[3], c’était dans la vaste forêt de Crotais « Crotensis sylva »[4] que se tenaient tous les ans les assemblées de Druides dont parle César, dans ses commentaires, et auxquelles se rendaient tous ceux qui avaient à faire juger un différent. »

    « C’est l’opinion de D. Juigné Borpinière[5], qui ajoute « Dreux, ville du comté sur les confins du pays chartrain est l’une des plus anciennes de France et du monde, selon Bérose[6], car l’on tient qu’elle fut fondée par Druys[7], roi des Gaules, parent et instituteur des Druides, l’an du monde 2067. »

    « Ceux qui sont du sentiment de Bérose, dit Thomas Corneille[8], tiennent avec lui que Samothès étant venu en ce royaume du temps de Noë, y laissa un fils appelé Magnus, qui bâtit diverses villes ; Saron, son fils, régna après lui, et à Saron succéda Dryus IVe roi des Gaules[9], fondateur de Dreux et instituteur des Druydes … »

    « Moréri[10], qui appelle Dreux « Drocum », croit que cette ville est une des plus anciennes du royaume, mais il traite de fabuleuse la tradition portant qu’elle a été bâtie par Dryus … »

    « Piganol de la Force[11] mentionne Dreux sous les noms de « Durocassis, Durocasis, Durocassœ, Durocasœ, Drogas-Castrum, Durcassinum-Castrum. Cette ville passe pour être d’une antiquité gauloise et avoir pris son nom des anciens prêtres gaulois, appelés Druides … »

    « L’Advocat, dans son dictionnaire (1779), ne dit rien de l’origine de Dreux qu’il nomme Durocasse. »

   « Le dictionnaire universel de Trévoux (édition 1771) ne fait que rapporter la tradition de la fondation de Dreux par Drius, et donne à cette ville les noms de :   « Drocum, Drossœ, Durocassœ, Drogœ, Durocassinum-Castrum, Drocenses, Druis, Druense-Castrum ».

    « Dreux, dit M. Le Bas[12], ville de la Beauce connue autrefois sous le nom de pays Mantais, a une origine fort incertaine, et remonte à la haute antiquité. C’était la capitale des Durocasses, dont le pays est encore désigné dans les capitulaires de Charles-le-Chauve sous le nom de Pagus Durcassinus ; ce nom s’altéra dans la suite, et se changea en Droces, d’où l’on a fait Dreux. »

   « D’Anville[13] veut que de ce nom de Durocasse ou Durocassœ dont, dit-il, on a fait Drocœ, soit dérivé celui de Dreux. C’est aussi l’opinion de l’abbé d’Expilly[14] et de la Martinière[15]. »


[1] Capitulaire de Charles le chauve

[2] Carte de Peutinger

[3] Oseray, Histoire de la cité des Carnutes ; Cambry, Antiquités celtiques ; Juigné Borpinière et Thomas Corneille ; Chevard, Histoire de Chartres.

[4] Aujourd’hui Forêt de Dreux

[5] Sieur de Molires, gentilhomme angevin et avocat au Parlement, Dict. histor. et géograph. 1644

[6] Bérose, astronome et historien chaldéen, né à Babylone, était prêtre de Bélus et vivait vers le temps de Ptolémée ou d’Alexandre Philadelphe, environ 272 av J. - C.

[7] Ce Druys ou Dryus était d’après Bérose, arrière petit fils  de Samothèes, qui vint habiter les Gaules au temps de Noë.

[8] Dictionnaire universel géographique et historique, Édition 1708.

[9] On lit dans les œuvres de Bérose, Édition de 1152 : « Regnat, anno 29, apud Celtias Dryus peritiœ plenus » (page 138). Ailleurs, cet auteur établit la généalogie des premiers chefs « primorun Ducum » qui conduisirent les colonies émigrantes après le déluge …

[10] Dictionnaire historique, Édition 1725.

[11] Description de la France, Édition 1753

[12] Dictionnaire encyclopédique, t. VI, p. 657.

[13]  Géographe mort en 1782.

[14] Dictionnaire géographique, t II, p. 163.

[15] Dictionnaire, t. IV p. 158.

« L’index Geographicus d’une édition des commentaires de César publiée en 1728 à l’usage du Dauphin, cite Dreux sous le nom de Drocum ou Druidum civitas, la ville des Druides. »

Enfin voici comment s’explique à ce sujet Rouillard, l’un de nos historiens, dans son langage plein de naïveté : [1]

« Or de sçauoir maintenant d’où leur est venu le nom de Druides, ie void que la commune opinion est qu’ils ont ainsi esté appellez en grec, comme qui diroit Chesnier, pource qu’ils célébroient leurs principaux mystères parmi les Chesnes. – Pline, sur la fin du seizième livre de son histoire naturelle, dict que l’allusion du mot (Drus, qui signifie Chesne) y est fort grande, mais en ce qu’il ajoute qu’il le peut sembler ainsi, on recognoist qu’il ne le croid ny n’assure, ni aussy moi qui n’ai aucunement à gré ceste étymologie. – De sorte qu’il y auroit plus d’apparence de dériuer le nom de Drvide, du mot hébreu Dervssim ou Drussim, qui signifie spéculateur, ou recherchans les haults secrets, comme les mages des Perses, ausquels on les compare[2] »

« Toute fois ie dirai librement, que l’une ou l’autre interprétation ne me plaist, soit grecque, soit hébraïque : ains maintiens que le mot ou vrais nom de ces philosophes est pur originaire, et vrai celte ou gaulois, et qu’ils ont esté appellez en iceluy les Drvs ; nom que retient encore la ville de Drevx. Et au même propos Marcellin en son quinzième liure y ajoutant vne S, omise par les autres, les nomme Drvsidas non Drvidas, les Drvs, c’est-à-dire en vray françois les gens fréqvents, les gens de collége, gens d’assemblée, gens d’estats, gens de congregation : pour qu’ils vivoient par forme de confrairie. Ce qui signifie gens drvs et menvs, comme on parle en vulgaire, gens qui quoi qu’esloignez de la compagnie des hommes, pour vacquer à l’estude de la philosophie, viuoient neantmoins toujours en congrégation.

« Les Drvides chartrains auoient vn mont près de leur ville appellé la montaigne des Lieuës[3], à laquelle se terminoient les diamètres des terres subjectes à leur empire, dont cette montaige estoit comme le centre. – En ce moieu donc et comme nombril de toute la Gaule, equidistant et acccessible de tous costez, bref en ce siége chartrain destiné à l’Empire, les Drvides, certains jours de l’année, célébroient leurs sacrifices solennels, tenoient leurs parlements, et rendoient la justice. César dict, que c’étoit en vn lieu consacré « in loco consecrato », mais ie corrige ces mots in loco, pour remettre une vraie lecture, in luco consecrato, en vn bois ou boccage sacré, qui estoit le propre lieu auquel est de présent la grand’église de Chartres ... Voilà le lieu de la Prebstrise et Iustice des Drvides. »

« Quand à leurs escholes, elle estoient en la ville de Drevx, et hameaux circonvoisins qui sont à l’entrée de la forest, appellez encore de présent les maisons des Drvides ; car ils auoient choisi telles solitudes, comme éloignées du bruit et accès populaires, conséquemment plus propres pour vacquer à l’estude de la philosophie. »

« A Moronval[4] estoit une académie de Philosophes qui estoit destinez pour apprendre les règles de bien vivre dans leur aristocratie.Ceux-ci s’appeloient Sarronides, comme il se remarque dans ces anciens vers :

« Ces deux lieux[5] mille fois sacrez
Furent habitez par les
Drvides,
Par eux autrefois consacrez
Aux leçons de leurs
Sarronides
[6]
. »        


[1] Parthénie, p.19 et suivantes, 1609

[2] « Les Druides, dit Pline, sont les mages des Gaulois, mages habiles, qui pourraient passer pour les maîtres de ceux de l’Orient.

[3] Lèves.

[4] Saint-Denis-de-Moronval, situé à 4 kilomètres de Dreux.

[5] Chartres et Dreux.

[6] Diodou de Sicile fait mention des Saronides.

Ensuite Édouard Lefèvre nous délivre sa propre analyse tout aussi étonnante et qui avait encore des adeptes au xxe siècle et certainement encore en ce début de xxie siècle.

 « Aucun des auteurs que nous venons de citer n’a éclairci la question relative à l’origine de Dreux, et nous sommes obligés de revenir à un point qui n’est pas contesté, c’est que les Druides, nos anciens prêtres gaulois, avaient plusieurs établissements dans la contrée qui nous occupe, notamment Moronval, comme nous venons de le voir, à Rouvre[1] et à Fermincourt, qui n’est séparé de Dreux que par une lieue gauloise[2]. Maintenant, que ces prêtres aient pris leur nom de la ville de Dreux ou qu’ils le lui aient donné, ce que nous ne saurions décider, nous pensons que l’un et l’autre ont pour étymologie commune le mot grec Drus ou le mot celtique Derw[3] (Deru, Dreu), qui tous les deux signifient chêne, arbre que les Druides avaient en grande vénération, parce qu’il portait le gui sacré dont ils faisaient usage dans leurs sacrifices. Nous trouvons la même étymologie dans le nom de la vierge Drucca ou Dreuca qu’ils honoraient dans leurs fêtes, et qui figurait encore au xe siècle sur les monnaies de Dreux. »

Après quelques considérations historiques et géographiques Édouard. Lefèvre continue sa démonstration.

« Peut-être  est-ce au génie militaire de César que sont dus les premiers retranchements et les premiers forts qui s’élevèrent sur la colline (de Dreux), alors qu’il lui fallait surveiller les mouvements des Carnutes[4] ou établir ses troupes en quartier d’hiver dans leur pays[5]. Sous ce rapport, nous sommes réduits à des conjectures, mais il y a tout lieu de penser qu’à l’une de ces deux époques la colline de Dreux fut fortifiée et qu’elle prit le nom de Duro-cath, mot qui, dans la langue celtique, signifie un fort près d’une rivière. »

« Au ive siècle, ces deux mots étaient réunis, mais avec une désinence latine « Durocassio »[6] qui lui fut sans doute imposée par Auguste, lorsque cet empereur changea la dénomination des principales cités de la Gaule. Cette ville est appelée Durocasis dans l’itinéraire d’Antonin[7], Durocases d’après une inscription citée par Wesseling, et Durocassis dans la table théodosienne ... ».    


[1] « Robur, vicus Galliæ in Belsia ; ad Vegram amnem, alias oppidulum Carnutum ubi Druides sacrificial habebant ». – Baudran, géogr., au mot Robur (Chêne-Rouvre).

[2] « Fremincuria oppidum alias amplum Carnutum cum castro regum Galliæ primæ stirpis, nune vicus tantum cum ponte ad Eburam fluvium unâ leucâ a Drocoin ortum ; castrum autem dirutum jacet. Ibi olim altare Virgini parituaræ dicatum, ubi sacrifia habebant Druidæ, ut narrant incolæ illius tractûs, ex antiquâ traditione ». – Baudran, géogr.

[3] Derwyddin ou Derwiddon, dont nous avons fait Druide (hommes du gui de chêne), se trouve employé par tous les anciens auteurs gallois ainsi que dans les poésies des bardes des ve et vie siècles ; il est formé du celtique der, dero, deru, derven, chêne (comp. drus et doru en grec, drus et daru en sanscrit), et du gallois wyd, le gui ou le visque de chêne, et de dyn, den, homme en gallois et en breton. Suivant une autre opinion, Druide dériverait des mots celtiques ou di, dieu ou bonté, et de rhouyd, s’entretenir. – M. Le Bas, Dic. encycl., t. 6, p. 711.

[4] Le Dreugesin faisait partie du territoire des Carnutes.

[5] « Ipse (Cesar) in Carnutes, andes, Turonesque, quæ civitates propinquæ his locis erant, ubi bellum gesserat, legionbus in hiberna deductis … » – Comment., lib. ii, cap. xxxv.

[6] Carte de Peutinger.

[7] Suivant plusieurs auteurs, cet Antonin, auteur de l’Itinéraire qui porte son nom, vivait en 337.

Durocassis (comprendre -es) fin iiie s, Durocas vie siècle. (Monnaie mérovingienne), Drocas castrum vers 930 (denier de Raoul).

Les Durocasses : nom du peuple gaulois dont Dreux était la capitale (comparer ainsi Chartres, capitale des Carnutes).

Nous ignorons le nom ancien propre à Dreux. Cette branche des Belges Cassi (rapport probable avec la Hesse, en Allemagne) fut la seule à franchir la Seine en venant du nord-est. Comparer les Viducasses de Vieux (Calvados), les Badiocasses de Bayeux (Calvados), les Véliocasses du Vexin (dont la capitale était Rouen), les Tricasses de Troyes (Aube), les Vadi­casses de Belgique (associés aux Leuques de Toul). Les Durocasses s’inféodèrent aux Celtes Carnutes, sans doute comme les Parisii (dont une branche était installée en Grande-Bretagne) s’établirent sous la protection des Celtes Senons.

Dreux se présentait comme un carrefour sur la Blaise, que dominait sa citadelle. Composé gaulois de duro-, « fort, dur », ou duro, « porte » et cassi, « agréable ? fort ? » ; comprendre les « Cassi de la porte » ? On a écrit Dreues de même qu’on écrit Troyes ; l’x actuel manifeste le même allongement, comme dans Vieux et Bayeux.

En dépit d’anciennes imaginations, sans rapport historique avec les druides, secte scientifico-religieuse comme celle des pythagoriciens, César et Pline distinguent soigneusement les druides et d’autre part les prêtres, qui, exécutants peu considérés des rites, poursuivirent leur activité lorsque l’empereur Claude eut interdit celle des druides. Le seul druide connu au temps de César est l’Eduen Diviciacos qui, en - 60, alla devant le sénat romain demander le secours de Rome contre l’envahisseur germain Arioviste et guerroya aux côtés de César. Un prêtre, non un druide, montait au chêne en robe blanche, muni d’une faucille « d’or », tandis que les druides commentaient le symbolisme.

Si le nom des Durocasses comporte duro-, le rapport avec le nom des druides est seulement indirect. Ce radical, comme celui de durus latin, se retrouve dans dru (du gaulois), dans dervos, nom gaulois du chêne, arbre « fort » par excellence (parent du grec dru) et dans druide (*dru-weid-, « grand savant »)[1].

 

   [1] Il est acquis que les druides sont les représentants celtiques d’un sacerdoce indo-européen. Leur nom s’explique par le celtique dru-wid-es, « les très savants » et non par l’étymologie analogique du grec drû (« chêne »), due à Pline l’Ancien. (Encyclopædia universalis 1980 t 19 p. 632.)

Dans l’Antiquité, Dreux était la capitale des Durocasses, tribu gauloise attestée par l’itinéraire d’Antonin[2]. C’est de cette forme Durocassis (ablatif pluriel) employée depuis le IVe siècle que procède l’actuel Dreux.

Les principales mentions anciennes sont : Durocassis au IVe siècle, Durocas sur une monnaie mérovingienne, Drocas vers 930 et Drewe au XIIIe, siècle.

Le sens du composé Duro-casse est inconnu. Le second élément, de sens discuté[3], se retrouve dans le nom de plusieurs tribus gauloises (les Viducasses de Vieux, Calvados ; les Tricasses de Troyes, Aube ; les Véliocasses du Vexin ; les Badiocasses de Bayeux), et le second pourrait être l’équivalent du celtique durus, « dur ». Le pays de Dreux est nommé Drouais, autrefois Dreugesin.


[2] Le nom antique de la ville nous est malheureusement inconnu.

[3] On a proposé, sans preuves solides, le sens de « bouclé » ou « aimable ».

 

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